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Bagnères Hautes Pyrénées |
![]() Un homme conduit ses brebis en montagne ![]() Les images du film traitées en gravure ![]() Une femme chante |
Sur le côté de la scène, un ordinateur posé sur une petite table, au fond un grand écran, voilà le décor du spectacle de Christophe Ruhl. Là se résume la dualité de sa démarche de passerelle, transmettre les souvenirs de vie d'un passé qui n'existe plus à un monde transformé par la technologie.
Amic Bedel a réa lisé un document video qui montre les hommes et les femmes auprès desquels ont été collectés les chants et les contines qui forment ce petit patrimoine fragile du Rouergue qui risque de se perdre si personne ne s'occupe de le sauvegarder. Christophe Ruhl accompagne ces images de la voix, une longue mélopée qui dit un univers d'émotions et de ressenti difficile à traduire autrement. Ici, dans les Hautes Pyrénées, nous ne parlons pas tout à fait la même langue, nos maisons, nos montagnes sont différentes, mais ce que nous avons vu, ressemble beaucoup à ce qu'était le Haut Adour, il y a encore peu, juste avant que la télévision ne se généralise. Ici aussi, les vieux vont vous dire qu'autrefois, on savait s'amuser avec rien, et, on s'amusait, même si la vie était dure. C'est aussi le propos de Christophe Ruhl qui appelle son film "apitchonir", devenir petit, arrêter de grandir. Le monde moderne nous enrichit d'objets mais il nous apauvrit de rencontres. Tout un tissu social s'est perdu. Dans un café à l'ancienne, des hommes dansent la bourrée, martelant le rythme en tapant des pieds, autour les autres chantent, l'un d'entre eux a introduit une cuillère dans le goulot d'une bouteille, voilà l'accompagnement instrumental. Les vieux jouent de l'harmonica, mais ils en avaient d'autres de ces instruments qui ne coûtent rien, nous verrons les sifflets taillés dans les branches de noisetier, ou, un couteau coincé entre le plateau et la ceinture d'une table et sur lequel on frappe pour le faire vibrer. Le dessous de table fait caisse de résonance. Un homme raconte ses jeux à l'école, les rondes accompagnées de contines. Il dit qu'il y avait aussi des contines spécifiques à la fabrication des sifflets. C'est une contine qui dit qu'il faut choisir avec soin sa branche de noisetier, mais quelquefois l'objet réalisé ne siffle pas bien. Un autre homme nous montre qu'avec l'écorce de noisetier enroulée sur elle-même et un petit sifflet comme embouchure, on pouvait aussi fabriquer des instruments qui avaient d'autres sons. Et puis, c'est le tour d'une femme qui chante un chant de Noël: "posons notre bâton, quittons notre troupeau, rendons-nous à l'étable". Dans la tradition chrétienne, les bergers s'en vont adorer le divin enfant, guider dans leur chemin par un étoile. Il y avait des contines pour tout, des histoires de bergers, des histoires de domestiques et de maitres, elles avertissaient, elles se moquaient, elles donnaient des conseils. Les coccinelles faisaient l'objet d'un petit rituel, on les prenait sur la main et on chantait: "coccinelle envole-toi, coccinelle monte au ciel et va dire au Bon Dieu qu'il fera beau demain". Il y avait aussi tous les histoires qu'on racontait lors des veillées. C'est là que les enfants s'imprégnaient de ce qui en faisait plus tard des hommes de la terre, de leur terre, différente de région en région. C'est ainsi qu'un homme nous raconte une légende, une histoire de Drac. Le Drac visitait l'étable, mais on ne savait pas par où il passait. A force de chercher, ils trouvent un tout petit trou. C'est par là qu'il passe!. C'est connu, le Drac ne sait compter que jusqu'à trois. Alors, ils mettent cinq grains de maïs. Le Drac arrive, il compte, il s'embrouille. Tant et si bien que le jour arrive et il doit s'enfuir. Et à compter de ce jour, on ne le revit plus." |
![]() ![]() Dans une belle prestation, pleine d'émotion, Christophe Ruhl rend hommage aux hommes et aux femmes du film, ceux qui ont su rester humblement attachés à leur terre. "Ils sont les passeurs d'une culture fragile", nous dit-il, avant de se retirer |